Venise et les chats

CHAT VENISE

S'intéresser aux chat de Venise, c'est l'assurance de s'approcher d'un monde feutré, loin des touristes et de la plèbe grouillante, vous accéderez aux lieux les plus secrets, les plus beaux, pour entrevoir le monde des petits félins, dont la silouhette altière se détache au crépuscule.

Venise est une merveille architecturale, chargée d'histoire, elle fût riche, pauvre, guerrière, envahie de rats et touchée par la peste ou l'aqua alta alta, visitée et aimée des plus grands écrivains, les auteurs, les réalisateurs,les amants en ont fait leur capitale, le monde du cinéma s'y rassemble, elle est maintenant admirée de tous, les chats en furent les témoins, ils ont tout vu, tout connu et représentent l'âme de la cité.

Alors que la quasi- totalité du monde chrétien martyrisait les chats, accusés de tous les maux et soit disant auxiliaires des sorcières, comme le prétendait l' inquisition (qui ne prit fin qu'en 1834 !), Venise au contraire, engageait ces bons petits soldats qui rendaient de grands services, tout simplement en sauvant des vies.  

Deux félins se sont partagé Venise : le lion et le chat. Leo veille pour l'éternité, effigie de marbre, de mosaïque ou de toile, mille fois répetée à travers la cité des doges.

Le chat se contente de vivre, d'aimer, de chasser et de dormir dans l'échiquier de ruelles, de places et de jardins composant Venise.

Il y a depuis toujours, un pacte tacite entre le chat et le lion.

Le grand félin protège le petit et l'abrite sous son aile, puisque le lion de Venise a la curieuse particularité d'en posséder, le chat payant son loyer en débarrassant la ville de ses nombreux rongeurs.

Idéale alliance, qui n'existerait pas sans les liens solides qui unirent dès ses origines Venise à l'orient.

Dans son voyage du condottiere, André Suarès notait: "Venise est pleine de lions en pierre, et de chats paisiblement assis, au seuil des maisons, dans l'orbe de leur queue."

Les chats font des yeux heureux dans la voluptueuse Venise, et leur fourrure brille".

L'hégémonie féline à Venise remonte véritablement en 828, le chat est déjà là.

Suivant l'homme, rats et souris se précipitèrent pour infester cette cité bâtie sur l'eau où abondaient greniers, entrepôts, céréales, tissus et autres denrées.

Le chat va se montrer l'indispensable allié des Vénitiens dans cette lutte contre la prolifération des rongeurs et de la peste, indirectement proférée par les puces du rat noir.

Apparement, dés que les hommes ont été capables d'utiliser le bateau dans les relations commerciales, les chats ont fait partie de l'équipage, les chats assurant la sauvegarde des denrées, du blé, des tissus et des cordages.

Les cordages, stockés à l'Arsenal,étaient sous la surveillance des chats.

La présence à bord du chat, fut reconnue indispendable et recommandée, exigée même plus tard dés le XV ème siècle, par les assureurs Vénitiens.

Deux ou trois chats étaient préconisés sur chaque navire marchand, les chats étaient confiés à un homme d'équipage chargé de les nourrir et de veiller à ce qu'ils ne quittent pas le navire aux escales.

Au XVIII ème siècle, Colbert officialisera en France la présence des chats à bord des navires, la formule de navigation étant libellée :

" ce navire est en état de naviguer : il y a des chats à bord. "

Les bons chats ratiers étaient très appréciés parmi les sujets trouvés en Egypte, en Afrique du nord, et en Syrie, ils connurent un destin heureux à Venise et à Rome.

Le chat de Syrie, appelé soriani, était ce que l 'on appelle de nos jours le chat tigré, c'est celui que l'on rencontre le plus de nos jours dans les rues de Venise, c'est le chat de gouttière.

Sa taille est imposante, solide, bien campé sur de fortes pattes, avec un museau couleur brique, il a une épaisse fourrure pour affronter les hivers rigoureux et humides de la lagune, très combattif, le soriano est un killer né, croisés avec les chats de la lagune, ils devirent encore plus redoutables face aux cohortes de rats noirs vecteur de la peste.

Le chat et la société.

Marcel Brion, amoureux de l'étrange et donc de Venise, ne s'y était pas trompé lorsqu'il écrivait dans le Teatro degli spiriti :

" les chats enroulés autour de leur rêve perpétuel, dorment au milieu de la rue sans que nul les dérange, car ils sont sacrés à Venise, presqu'autant que l'était la déesse Bubast. Tuer un chat, c'est se comdamner à mourir dans l'année, le blesser, attirer sur soi de longs enchaînements de catastrophes...Par quel miracle les rusés félins sont-ils arrivés à convaincre les Vénitiens de leur magique pouvoir ?".

Les habitants de Venise, au Moyen Age furent fascinés par ces créatures de beauté dont la grâce altière s'accordait si bien avec le luxe dont ils paraient leur ville.

Il y eut à Venise une vogue du chat de luxe, et les marchands en ramenèrent d'oltromare.

Les patriciennes achetaient à prix d'or ces chats comme une marchandise rare, angora au long pelage soyeux ou persans, qui finissaient pour la plupart dans les somptueuses deumeures surplombant le grand canal.

Pendant ce temps, les chats des rues continuaient à faire la police des rats.

Deux classes sociales de chats cohabitaient donc dans Venise.

Les chats des rues, les croqueurs de souris, les pourfendeurs de rats, les hardis matamores de la lagune, peuvent compter sur la sollicitude du peuple, et les autres, les chats de race luxueux des salons.

En parcourant récemment la presse locale, les Vénitiens ont eut la charmante surprise de constater que le journal n'hésitait pas à signaler avec émotion la disparition d'un chat célèbre dans un sestriere (quartier) de Venise.

On n'imagine pas cela ailleurs.

Le rat, l' ennemi invisible.

Si l'on en croit les Venitiens, les rats sont ici plus gros que partout ailleurs, comme si l'air salé de la lagune avait donné naissance à d'effrayants mutants.

Le souvenir de la peste, c'est évident, a laissé un profond traumatisme dans Venise.

Il y a, dans Venise, un non-dit du rat, tout Venitien qui se respecte vient toujours d'en voir un débouler d'une corniche, sauter d'un toit ou rafler de la nourriture au marché.

Vous n'aurez pas cette "chance", il est même certain que vous n'en croiserez pas un seul pendant votre séjour à Venise.

Entrez à l'Accademia ou au correr, vous ne verrez pas l'ombre d'un rat représenté en peinture.

Sous l'occupation autrichienne, il est vrai que Venise laissait s'écrouler un bon nombre de demeures que Chateaubriand n'avait pas tort de trouver plus lugubres que romantiques.

Les rats aiment les ruines, les atmosphères désolées, les chats les suivirent donc en nombre les rats pour les tuer.

Le combat de nos jours contre les rongeurs n'a pas cessé, et il fallut se rendre à l'évidence, même les détracteurs des chats errants de Venise durent en convenir: seul les chats restent le meilleur remède, écologique au possible, à la prolifération des rats et des souris.

Le chat dans la cité

On espère toujours le retrouver, d'un séjour au suivant, le chat qui nous avait tant ému ou enchanté.

Mais les hivers sont rudes à Venise, le carnaval n'amuse pas les chats, et la roue de la vie tourne vite pour ces animaux livrés à l'existance difficile de la rue.

Même si il n'y a pas de voitures et si les chiens sont muselés !

Le prix de la liberté, ici comme ailleurs, c'est la relative briéveté de sa vie.

Il n'empêche que le chat que l'on a la chance de retrouver, de revoir, agit sur vous comme la madeleine proustienne.

Paul Morand raconte dans "Venises" comment un simple graffiti sur une demeure d'une piazzetta lui rappela une aventure galante oubliée.

" Au-dessus de l'entrée de la petite maison, je retrouve le cartouche sur la façade peinte à la détrempe : on y voit un chat, convoitant deux harengs saurs..."

Sans doute vous attendez vous à voir une cohorte de chats en arrivant à Venise, ils sont en effet douze mille (en 1990), mais détrompez-vous, les chats qui détestent l'agitation, se montre de préférence la nuit, puis disparaissent à l'aurore.

Les chats élisent domicile dans les lieux chargés d'histoire, ceux où s'élèvent les plus beaux monuments.

Découvrir les secrets de la Venise Féline demande du temps et de l'attention.

Les chats sont souvent bien plus près de vous, par exemple, la passerelle de l'Academia, ou dans le jardinet qui tourne le dos de la Ca'Franchetti.

Les abords de l'Accademia ont toujours été un des domaine d'élection des chats.

La marché au poisson du campo Santa Margherita a ses amateurs.

Quant au Rialto c'est la paradis ! en particulier à la pescheria, dont les chats chapardent les carcasses et les restes de poissons laissés par les commerçants.

La nuit, dans le marché desert, les matous sont sur le pont et mènent tambour battant une campagne permanente de dératisation,vitale pour la salubrité de ce "ventre de Venise".

Il y a beaucoup d'espaces verts à Venise, vers la stazione, ce sont les jardins Papadopoli, derrière les procuraties, face au bassin de Saint-Marc, les giardinetti reali, les jardins de la Biennale, possèdent eux aussi leur population féline qui profite, le soir, en se penchant sur les balustrades de Pierre, des plus beaux couchers de soleil sur San Giorgio Maggiore, la Salute, la douane, et Saint-Marc, résolument ésthètes ces chats...

On croise beaucoup de chats sur les quais où l'on respire l'air iodée du large et de l'aventure qui les inspirent.

Les chats aiment fréquenter les églises, de part leurs chaises en paille confortables, et la présence des souris qu'il faut traquer.

L'église San Rocco était  l'une de leur préférée, à cela deux raisons, la proximité du minuscule jardin qui longe l'église voisine, les Frari, et la présence du recteur de l'église, ardent défenseur des chats et fondateur de la ligue nationale de Saint François.

" Pour une croisade morale et civile en faveur de la nature et des animaux."

Initiative à laquelle le pape Jean-Paul II se montra sensible.

L'idée de défendre nos frères inférieurs ne date pas d'hier.

Au temps de la république, la cité subsistait à l'entretien des chats.

Le XIX ème siécle et ses bouleversantes politiques devaient sonner le glas de ce bel équlibre déjà ébranlé par Bonaparte (qui détestait les chats).

Le 10 avril 1856, un certain Giuseppe Consolo donne lecture d'un mémoire sur la convenance et l'utilité d'instituer dans la province vénète une société contre les mauvais traitements aux animaux.

La loi Grammont a été voté en 1850 en France.

Il y aura de temps à autre, des requêtes pour réclamer la déchatisation de certains sestieri de Venise, mais elles resteront en général sans écho de la part de la population.

La population féline de la lagune était de 40000 individus avant la dérnière guerre, elle est était éstimée en 1990 à 12000 environs.

Depuis 1969 le sort des chats vénitiens s'est considérablement amèlioré avec la création de la Dingo, il s'agit d'un refuge pour chats et chiens errants, depuis scindée en deux, dont une spécifique pour les chats créée en 1985.

Une nouvelle génération de chats mieux portants, suivis par des vétérinaires a vu le jour.

Sur l'ilôt de San Clemente, la Dingo a pu ouvrir en 1990, dans une aile désaffectée d'un hôpital psychiatrique, une clinique -refuge pour chats.

A Torcello, les chats se regroupent, comme c'est bizzare, auprès du pont del diavolo (le pont du diable), quand ils ne rôdent pas aux abords de la cathédrale.

Dans Burano, familiers des pêcheurs et des dentellières ils arpentent les toîts des maisons colorées, au crépuscule, pour saluer la lune.

La chaleur des fournaises de Murano ne les gêne pas.

Edmond et Jules de Goncourt avaient été frappés par leur présence théâtrale, en 1855, dans cette île où l'artisanat du verre avait été abandonné:

" Des hardes qui séchent, des chats roux se tenant dans l'angle d'une fenêtre, comme sur un théâtre de guignol..."

Mais aujourd'hui, où sont passé les chats de Venise ?

Oublié le temps où les chats aidaient les hommes à chasser les rats, ou comme au XIX éme siècle lors de la grande invasion de rats, lorsque 25000 chats luttaient en première ligne contre ce fléau.

Longtemps la cité lacustre revendiquera l'un des ratios chat par habitant les plus élevés du monde.

Depuis une dizaine d'année, la municipalité procéde à une campagne de stérilisation, aidé par l'association Dingo qui existe toujours.

Les chats étaient mal en point, malades, chétifs, il dépérissaient et faisaient  mauvais effet sur les touristes.

La population des chats errants a diminué drastiquement, et l'association Dingo a établi son refuge sur la bande littoral du lido, à Malmocco.

Les Vénitiens continuent à s'occuper des chats, ils les nourrissent, installent des petites cabanes avec de vieilles couvertures l'hiver.

Il reste un gros bataillon de 200 chats dans l'ancien fort de Marghera occupé auparavant par l'armée Italienne.

On estime à 4000 la population actuelle de chats à Venise, et ils se portent mieux d'après la vétérinaire de l'association Dingo.

Alors pourquoi pas, vous aussi, partez pour Venise à la recherche de ces animaux extraordinaires, loin de la foule, lors d'un matin brumeux d'automne,vous les verrez et vous reviendrez enchanté et apaisé par ces rencontres enchanteresses.

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

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